La Victoire en jouant…

Numéro 59 – Septembre 2018

Deux votations, deux succès pour les valeurs que défend CultureEnJeu. Que retenir de ces âpres combats ?

avec la collaboration de Frédéric Gonseth

Le 4 mars 2018, le peuple Suisse a rejeté par 71,6 % et dans tous les cantons, l’initiative « No Billag » qui voulait faire cesser tout subventionnement public, afin de priver de ressources les médias suisses et ne plus les laisser survivre que par la finance privée. Il en aurait été de même de tout le secteur culturel. Le 10 juin 2018, le même peuple suisse a accepté par 72,9 % et dans tous les cantons, la nouvelle loi fédérale sur les jeux d’argent qui ancre dans l’encre de notre Constitution l’idée essentielle que les bénéfices tirés des jeux d’argent servent au bien commun, y compris dans leurs versions en ligne. Dans ces deux cas, les lecteurs de CultureEnJeu s’en rappellent, nombre de pages de ce journal ont été consacrées à ces sujets qui touchaient de près tous les artistes du pays. Nous sommes donc heureux et fiers des résultats obtenus.

Ces deux combats offrent, de fait, quelques similitudes. L’initiative comme le référendum en question, s’en prenaient, bien sûr, au secteur public, et procédaient surtout d’un même esprit. Ils visaient à instiller dans l’esprit du citoyen une sorte de soumission au prétendu triomphe inéluctable des forces qui, parce qu’elles dominent par leur puissance financière, devaient forcément s’imposer. Les désirs de ceux qui possèdent énormément d’argent ne pouvaient être que des ordres puisqu’ils se situaient naturellement en des sphères inaccessibles, au-delà de toute règle d’éthique et des valeurs humaines universellement reconnues. Or, par deux fois, il n’en a rien été. Rappelons que jusqu’à plus ample informé, c’est le propre d’une démocratie de laisser à chaque personne qui vote le libre choix de son avenir et d’opter pour ce qu’il pense préférable en ce qui le concerne, pour les siens et le pays. Encore faut il que les enjeux réels se dégagent assez nettement pour apparaître au plus grand nombre.

Rappeler de tels faits, éclairer les perspectives et nouveautés législatives ou administratives favorables ou inquiétantes pour la population en général et les artistes en particulier, voici la tâche que CultureEnJeu se fait une joie d’assumer et de poursuivre.

Souvenons-nous que dans ces deux cas, les sondages sont restés longtemps en faveur des opposants au secteur public, avant de devenir plus incertain et de le rester jusqu’à très tard dans la campagne, puis de basculer. Soulignons que de tels mouvements d’opinion et cette lente prise de conscience rendent bien compte du lancement tardif de la campagne des défenseurs, parce que ceux-ci n’ont pu le faire qu’après un travail de réflexion de fond et le développement d’un argumentaire solide.

En ce sens, votre CultureEnJeu a tenu son rôle d’espace de débat et de raisonnement. Son édition spéciale quadrilingue pour s’opposer à « No Billag » par exemple (parue tête-bêche, vous vous en souvenez ?) a été très appréciée. Plus que jamais, CultureEnJeu est clairement apparu comme un journal formateur d’opinion. Il est plaisant de le constater, sans pour autant nous reposer sur ces lauriers.

En effet, de nouvelles campagnes s’annoncent déjà. La prochaine échéance concerne en novembre l’initiative dite pour l’autodétermination « le droit suisse au lieu de juges étrangers », issue de semblables milieux, qui s’attaque au droit international, lequel reste – à l’heure actuelle – la forme la plus aboutie des principes humanistes élémentaires. Cette initiative-là vise encore une fois à réduire ce pays à un espace privatif, comme flottant au-dessus de la planète, à nouveau pour le rendre plus dépendant de ses seuls décideurs financiers.

Fin de la Guerre de Vingt ans ?

Pour conclure, rappelons que la loi approuvée par le peuple fait la part belle aux casinos. Dans ce sens elle représente peut-être la fin d’une guerre larvée de près de vingt ans entre le secteur privé hautement taxé pour l’AVS et le secteur purement public des jeux en Suisse. Pour la première fois, ils se sont alliés afin d’obtenir la mise en place d’un filet de protection contre les sites de jeux étrangers. Cette alliance préfigure ce que pourrait être une union du même type dans l’audiovisuel contre l’offensive numérique des GAFA entre le secteur public audiovisuel et le secteur privé de la presse.