Ils ont fini par sortir du bois. Alors que déferlaient dans tous les médias de multiples éclairages à l’aube de la dernière saison de Game of thrones, certains ont osé avouer en avril dernier urbi et orbi, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux, qu’ils n’avaient jamais visionné une seule seconde de la saga. Parmi ces réfractaires, il y avait pourtant de nombreux amateurs de feuilletons. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que ce que l’on appelle les séries sont devenues un phénomène de société. On peut encore se permettre de bouder l’une, mais autour de la table, avec des collègues ou entre amis, ceux qui ne peuvent en évoquer passionnément aucune passent pour de doux extraterrestres.

Les séries ne seraient pas devenues nos références contemporaines sans les grandes plateformes américaines qui ont transformé notre soif de divertissement en business. Séduits par une offre abondante, et adroitement disponible en plusieurs langues, avons-nous pris la mesure de l’impact de Netflix & Cie sur notre paysage audiovisuel ? Que vont devenir nos télévisions et les cinémas européens face à l’hégémonie des GAFA (Google, Amazon, Facebopk, Apple) ? Le législateur les a-t-il suffisamment armés pour qu’ils puissent survivre et même se redéployer ?

Patron de la SSR, Gilles Marchand a bien saisi les enjeux, et se montre rassurant pour les producteurs indigènes, auxquels il veut consacrer une plus grosse enveloppe. Reste que, avec un budget plafonné et des économies contestées aussi vite qu’elles sont rationnellement émises, la mission devient presque impossible.

Pour redonner du souffle et des moyens tant à la filière audiovisuelle qu’aux médias, Frédéric Gonseth propose une Fondation, redistribuant l’argent perçu en trop via la redevance radio-tv, auquel pourrait s’ajouter le produit de l’attribution des concessions 5G, et à terme la taxation des fenêtres publicitaires ou des GAFAN. Après tout, avec un peu de courage et d’imagination, le législateur est l’équivalent des pools d’auteurs qui cisèlent les meilleurs scénarios de séries : il peut renverser la table et changer le destin d’une communauté qui semblait prisonnière de vents contraires.