Helvetica, thriller politique réalisé par Romain Graf, produit par Rita Productions, Versus Production (BE), et la RTS

La série a le vent en poupe ! Sous l’effet des vagues de confinements, le public accentue sa migration de masse vers les plateformes (cf CEJ 68) : la barre des 200 millions d’abonnés Netflix est passée – mais la société n’est toujours pas rentable ! Cette gigantesque opération de dumping à l’échelle mondiale devrait être entravée par les gouvernements en vue de protéger leur cinéma national – le Conseil fédéral a pro- posé d’ériger une timide barrière de 4% d’investissement dans les films suisses – espérons que le Conseil National reviendra ce printemps sur sa décision absurde de l’abaisser à 1% !

Les « séries TV » actuelles ne sont plus du cinéma au rabais. Produites en Suisse par des indépendants, comme Quartier des banques, Wilder, Helvetica, Le Prix de la Paix, elles ont trouvé le chemin du grand public (on peut les voir sur la nouvelle plateforme d’accès libre Play Suisse).

Dans ces conditions, il est plus qu’étrange que ces séries devenues les locomotives de notre cinéma suisse n’obtiennent aucun appui de la Confédération. Depuis 2013, l’Office fédéral de la Culture a supprimé l’aide aux téléfilms de fiction unitaires et elle n’est jamais entrée en matière pour les séries. L’aide qu’apportent les cinéastes eux-mêmes à travers leurs sociétés de gestion des droits d’auteur (le TPF) et les aides régionales (Cinéforom), atteint à peine 10% du financement. La SSR le déplore elle-même, mais les séries TV produites par des indépendants reposent essentiellement sur la seule SSR, dans une période où la baisse de publicité réduit ses moyens et ne lui permet donc pas de compenser les reculs du cinéma endommagé par la pandémie.

Le système d’aide au cinéma suisse est en train de totalement rater le double virage pandémie + plateformes. Il n’a qu’une dimension culturelle – aujourd’hui c’est d’une aide économique massive que les salles ont besoin (voir Un passe «culture et loisirs» de toute urgence ). Mais qu’on se rassure, pour les séries, l’argent existe déjà, il s’appelle « redevance audiovisuelle » (perçue par SERAFE). A travers cette sorte d’ « abonnement obligatoire », le public paie pour voir des séries suisses, notamment. Le système a d’ailleurs été confirmé par la votation contre « No Billag » il y a trois ans.

Depuis 2013, l’Office fédéral de la Culture a supprimé l’aide aux téléfilms de fiction unitaires et n’est jamais entrée en matière pour les séries

Frédéric Gonseth

En 2019, le solde de la redevance s’est monté à 30 millions. Mais la Confédération garde cet argent dans une « réserve » ! Ces 30 millions payés par le citoyen ne parviennent donc pas à celles·eux qui produisent et réalisent de manière indépendante les séries que regardent les citoyen·ne·s suisses. C’est un vrai scandale qu’il est facile de corriger sans délai. Parmi diverses solutions, (p. ex. un versement de cette réserve à l’OFC pour qu’elle ouvre un guichet « séries »), de loin la plus rapide serait
que le gouvernement, comme il l’a fait l’an passé pour l’Agence ATS, ajoute dans la liste des bénéficiaires 2022 de la redevance le « Fonds de production télévisuelle » TPF, une institution non lucrative de prêts remboursables, mise en place par l’ensemble de la branche et qui a fait ses preuves depuis plusieurs décennies.


Résultat d'une réflexion sur le rôle de plus en plus crucial d'un secteur jusqu’ici non soutenu par la Confédération, la Task Force Swiss Audiovisual Production (SAP) s'est créée à l'automne 2020. Mandatée par le Fonds de production télévisuelle (TPF) et d'autres associations de la branche de la production audiovisuelle indépendante, elle a pour mission d’obtenir un soutien issu de la redevance LRTV.

Frédéric Gonseth est membre du conseil d’administration du TPF et de la Task Force Swiss Audiovisual Production.