Un « pass loisirs et culture » de toute urgence !
Le spectre de la crise des années trente est revenu. Longtemps après le confinement, des barrières pandémiques resteront encore en place, entravant l’accès aux salles, aux festivals et aux lieux de loisirs – tandis que les gens auront pris l’habitude de « jouir sans entraves », jour et nuit, devant leur grand écran digital. Certes, il y aura un mouvement de retour à ces anciens modes, mais cet engouement initial cachera un pan de la réalité : une partie de l’ancien public n’y reviendra pas. Il aura basculé dans le tout digital – et n’adoptera pas des pratiques de consommation « ringardes », qui exigent de se bouger, d’acheter un billet, avec le risque de tomber sur un spectacle ou un film moins « rodé » qu’une œuvre labellisée au niveau mondial – chez les plus jeunes en particulier. Pour ce qui concerne le cinéma, cela se traduit déjà par la magnétisation d’une partie des films grand public vers les plateformes, privant les salles de leur principale source d’attirance, annonçant des fermetures.
Dans la cacophonie des appels à l’aide d’urgence auxquels les politiques sont tenus de réagir, on peine à voir surgir des solutions faites pour surmonter ces effets à plus long terme de la pandémie. Pourtant, c’est la société dans son ensemble qui a exigé le blackout de la culture et des loisirs. C’est à elle, à travers ses autorités, d’encourager le public à reprendre le chemin des scènes et des salles, par des incitations financières proposées dès aujourd’hui, sans attendre la fin du confinement.
Comment ? Un plan de relance – New deal, plan Wahlen ou Parmelin, peu importe – un « plan loisirs » doit subventionner la consommation de loisirs locaux et de culture en Suisse – un plan facilement extensible à d’autres secteurs de loisirs, comme la gastronomie et le sport. Plusieurs expériences de bons d’achat avec rabais subventionnés ont été fort bien accueillies au niveau local. Il s’agit d’en appliquer le principe au niveau national sous forme numérisée et de l’étendre à tout le secteur des loisirs et de la culture, et de le moduler en fonction de divers publics-cibles. Les jeunes en tout premier lieu devraient se voir offrir de gros rabais pour le premier film, spectacle, loisir ou restaurant visité chaque mois.
L’avantage d’un tel système automatique est de ne pas interférer dans les goûts du public et donc dans la concurrence. On n’impose pas une culture ou des loisirs sélectionnés par l’État. L’aide de la collectivité ne vise qu’à stimuler leur fréquentation. Les politiques auront, quant à eux, à mettre en œuvre leurs compétences pour non seulement financer la mise sur pied et l’alimentation du système, mais décider la répartition du financement et les taux de soutien différenciés pour atteindre les buts fixés dans chaque domaine, vis-à-vis de chaque type de public.
Mais il faut construire le système par le haut. A l’échelle nationale, et ensuite redescendre en ajoutant à chaque niveau cantonal et communal des prestations particulières, financées localement, mais accessibles par le même login, ou pour ainsi dire, le même « pass ».
Pour l’usager, le « pass loisirs et culture » sera accessible sur une plateforme de service public (p.ex. financée par un grand sponsor national). L’usager obtiendra des rabais adaptés à son profil sur des œuvres mainstream ou plus pointues et pourra s’inscrire à l’avance pour des events. Une façon de stimuler la diversité et l’expérimental.
L’alliance de la culture et des loisirs, et peut-être de la gastro et des sports sur une seule et même plateforme d’accès, lui donnerait à l’échelle nationale ou régionale-linguistique une force d’attraction considérable. On aura ainsi choisi la bonne formule combinant financement privé-public, culture élitaire et mainstream, choix politiques et concurrence, liberté de création et indépendance économique. Et trouvé un antidote à l’attirance du public pour les plateformes internationales.