École et laïcité, enjeu du vivre ensemble

Numéro 52 – Décembre 2016

La laïcité doit permettre à toutes les croyances de coexister. Et c’est à l’école que tout commence avec l’enseignement du fait religieux dans le respect de l’altérité.

la rentrée d’août dernier, le canton de Genève faisait œuvre de pionnier en éditant la brochure La laïcité à l’école. Destinée à être remise à tous les enseignants genevois, elle reprécise le cadre et les règles en vigueur. Une nécessité après que divers événements aient secoué la République l’année dernière, dont le renoncement d’un opéra de Britten, L’Arche de Noé qui aurait dû être monté avec des élèves de toutes confessions. L’invitation faite à Hani Ramadan, directeur controversé du Centre islamique de Genève, par une enseignante voulant parler d’islamophobie avec ses élèves, avait aussi beaucoup ému. Des erreurs montrant des hésitations dans l’application du respect de la laïcité à Genève, selon Anne Emery-Torracinta, Conseillère d’État en charge du Département de l’Instruction Publique (DIP). Pour la femme politique, il s’agit de « rappeler que les principes et les règles qui fondent le respect de la laïcité à Genève sont applicables à tous et qu’on ne peut y déroger », même si elle souligne que « … le dialogue reste prépondérant. Le but ultime de l’école, c’est l’éducation : ce n’est pas exclure les élèves qui ne respectent pas les règles, mais les amener à changer leur comportement vis à vis de celles-ci. » Selon la cheffe du DIP, Genève a toujours été pragmatique face à la pluralité de sa population et à la diversité des religions en présence. « Depuis vingt ans, avec une population multiculturelle en augmentation, nous n’avons pas eu de gros problèmes. Nous voulions simplement réaffirmer que la laïcité, ce n’est pas la négation du fait religieux, mais la neutralité de l’État à l’égard de toutes les Églises et de toutes les confessions. C’est la raison pour laquelle les signes religieux ostensibles sont interdits aux enseignants. » Et quand on s’étonne de la souplesse du DIP face au port de signes religieux par les élèves ou du fait qu’une fête chrétienne ne doive pas porter atteinte aux sentiments religieux des élèves d’autres religions bien que faisant partie des coutumes du canton, elle précise que c’est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral et que, de surcroît, l’ensemble des cours et activités doivent être suivis. « Affirmer que l’école est laïque, ce n’est pas renoncer à aborder certains sujets susceptibles de fâcher, car ce serait oublier les missions de l’école – qui sont notamment d’éveiller chez l’élève le respect d’autrui et la tolérance dont notre société a grandement besoin », souligne-t-elle en préambule du fascicule.

Laurent Vité, président du syndicat des enseignants du primaire (SPG) à Genève approuve l’édition de la brochure. « Elle ne répond pas à une demande du terrain visant parer à la radicalisation d’élèves, mais elle donne un cadre clair aux enseignants. » Si le Plan d’éducation romand (PER) préconise l’enseignement du fait religieux dans le cadre d’un cours éthique et cultures religieuses, chaque canton décide de ses modalités d’applications. à Genève et à Neuchâtel, le fait religieux est intégré au cours d’histoire eut égard à la séparation de l’église et de l’état.

« Je me souviens que lorsque nous avons créés les moyens d’enseignement pour le cours éthique et cultures religieuses, Oskar Freysinger nous avait voués au gémonies car il les considérait comme faisant la part trop belle à la compréhension de l’islam », indique le Vaudois Claude Schwab, pasteur et enseignant retraité. « Aujourd’hui, il semble qu’il ait remercié la maison d’édition Agora qui les diffusent ! »

« Affirmer que l’école est laïque, ce n’est pas renoncer à aborder certains sujets susceptibles de fâcher »

Anne Emery-Torracinta, Conseillère d’État

Le canton de Vaud n’est pas formellement défini comme laïque, mais comme confessionnellement neutre ce qui n’empêche pas d’enseigner le fait religieux. « Un jour, une maman suisse convertie à l’islam, m’a fait la proposition de désigner les vacances de Noël par vacances d’hiver et les vacances de Pâques par vacances de printemps », raconte Chantal, enseignante vaudoise de 7 et 8e Harmos comportant des enfants entre 10 et 12 ans. « Je suis très tolérante, sans jugement sur le pays ou la religion, mais là, j’ai dit stop. Mon expérience de plus de vingt-cinq dans l’enseignement me permet de ne rien interdire au préalable, mais de donner un éventuel veto si nécessaire. »

Pour ce directeur d’une école primaire lausannoise, la laïcité n’est pas une évidence. Il observe une déscolarisation publique de quelques élèves manifestement pour des questions d’inadéquation du message de l’école publique avec l’islam et il s’étonne des propos d’une maîtresse enfantine qui lui témoignait d’une forme de débat spontané entre des petits de 4 ou 5 ans pour savoir qui était ou non musulman. Selon lui, les tabous du politiquement correct empêcheraient parfois de regarder une certaine réalité en face.