Édito n°58, avril 2018 – Pour des jeux d’argent au service de la communauté

Numéro 58 – Avril 2018

En mars 2004, dans son premier numéro, CultureEnjeu a annoncé clairement en sous-titre son objectif. Défendre et aider les créateurs à se faire connaître, travailler et réfléchir à des solutions financières pour soutenir la création et la vie culturelle dans la cité, promouvoir l’accès à la culture pour un public toujours plus large. Et depuis 14 ans déjà, nous persévérons à vous informer et vous ressourcer régulièrement selon cette ligne éditoriale que nous nous sommes fixée. Avec le numéro que vous avez sous les yeux, nous vous présentons deux dossiers. Le premier concernant une des principales ressources financières pour la culture, le second relatif aux créateurs.


De l’argent au service de la communauté… et de la culture

À peine derrière nous la votation du 4 mars dernier pour « No Billag » - initiative que nous avons combattue et qui a été rejetée par tous les cantons et 71,6 % des votants - que déjà pointe du nez un nouvel appel aux urnes le 10 juin concernant « la loi sur les jeux d’argent ». Nous voici à nouveau sur la brèche ! Une question basique se pose inévitablement : que se passera-t-il si la loi sur les jeux d’argent est refusée le 10 juin prochain ? Les opérateurs illégaux ont versé des contributions considérables pour soutenir la récolte de signatures en faveur de ce référendum en faisant valoir l’argument fallacieux de la censure d’Internet. Ils ont ainsi miné les efforts entrepris par les cantons et la Confédération pour protéger la population et affecter les bénéfices des jeux d’argent à des buts d’utilité publique en Suisse. Or, le refus de la loi entraînerait d’une part une augmentation de la dépendance au jeu, les opérateurs illégaux ne garantissant aucune mesure de prévention. Et d’autre part, cette offre illégale, en forte croissance, continuerait à détourner des sommes considérables, de l’ordre de plusieurs centaines de millions de francs par an, au détriment de l’utilité publique. Ainsi, les ressources disponibles en Suisse pour le soutien de l’AVS, de la culture, de l’action sociale et du sport diminueraient massivement. C’est pour assurer la pérennité de ces ressources qu’il faut voter OUI le 10 juin 2018.

Des créateurs pour votre plaisir et celui des collectionneurs

Les artistes ont besoin d’amateurs, de collectionneurs et de galeristes pour voir leurs oeuvres circuler et prendre leur plein essor à la rencontre du public. Certains artistes sont de très bons managers d’euxmêmes et de leurs oeuvres. Picasso distillait savamment dans le temps l’exposition de ses peintures et gérait admirablement ses galeristes jusqu’à les mettre souvent en concurrence pour faire monter la côte de ses oeuvres. Plus près de nous Jean-Michel Folon, peintre et sculpteur, a créé son propre musée et sa fondation. Il fréquentait les grands de ce monde à qui il donnait volontiers une de ses célèbres aquarelles, comme cadeau certes, mais aussi pour se faire une agréable et fructueuse publicité. Dans la même ligne, on peut également citer des cinéastes qui ont su à la fois être de vrais créateurs d’univers et en même temps d’excellents vendeurs d’eux-mêmes. C’est le cas par exemple du directeur de la photo Vittorio Storaro (Apocalypse now de Coppola, Le dernier empereur de Bertolucci, Café Society de Woody Allen) aux multiples oscars hollywoodiens, palmes et autres prix internationaux. Ce n’est cependant pas le cas pour la plupart des créateurs qui, moins extravertis, doivent avoir la chance ou la nécessité de rencontrer ou de trouver le mécène ou le galeriste qui les prendra en charge pour se faire connaître du public. Pour rester dans le cinéma citons un autre prestigieux directeur de la photographie Peppino Rotunno (Le Guépard de Visconti, Amarcord de Fellini, All that Jazz de Bob Fosse) qui est peut être un des plus grands créateurs de lumière de ce siècle mais que sa discrétion n’a pas amené à être reconnu à sa juste valeur par l’industrie cinématographique. Les peintures de l’instable Van Gogh nous seraient-elles parvenues si ce dernier n’avait pas eu à ses côtés son frère Théo, gérant d’une galerie d’art parisienne ? Et que serait devenue l’oeuvre du timide Cézanne sans le soutien constant de Zola ou du docteur Gachet ?

Pour continuer cette réflexion, nous nous sommes attardés à vous présenter une peintre et un sculpteur, Suzanne Auber et Igor Ustinov, pour vous donner le plaisir de les découvrir ou de les retrouver. Et aussi l’art verrier à travers la collection du Mudac (Musée de design et d’arts appliqués contemporains) de Lausanne, ensemble initié grâce au généreux mécénat des collectionneurs Peter et Traudl Engelhorn. Cette collection, dans laquelle on peut trouver des oeuvres de Picasso, de Dali, de Cocteau, de Jean-Pierre Demarchi ou de Kimiko Kogure, n’est hélas pas assez connue du grand public. À visiter absolument et à savourer sans modération !