Retourner à l’essentiel. Comme un besoin vital, une finalité en soi. L’occasion providentielle de repenser notre rapport au monde durant cette crise sans fin, est une idée qui poursuit son chemin dans bien des consciences. Un essentiel dont la notion pourtant relative se sera imposée à l’échelle collective, divisant ainsi nos actions et nos choix en catégories, praticables ou non et échappant parfois à la logique même de la « préservation » quand il s’agira de nos esprits. 

Des écosystèmes tout entiers fragilisés – reniés même – une sélection naturelle précipitée... L’alerte est déjà donnée. Façonnant des siècles de dialectique et aujourd’hui mises à mal plus que jamais « Nature » et « Culture » interrogent, dans un nouveau paradigme, la place qui leur est attribuée dans nos sociétés. Car si voir nos lieux vidés de leur public depuis une année est une réalité douloureuse à bien des niveaux, c’est le sentiment que la culture dans son ensemble a été vidée de son sens qui reste le plus insupportable. 

Pensées dans un mode « pré-covid », les initiatives se multiplient pour repenser ses pratiques artistiques en résonnance avec l’urgence climatique. Une urgence faisant place à une autre, la crise sanitaire nous a renvoyé derrière nos écrans, qui n’auront jamais été aussi peu tactiles. Elle aura aussi démontré les limites d’un modèle visant à privilégier la « réduction » à tout prix. 

Sortant de ce contexte de crise, ce numéro de mars 2021 est aussi une occasion de marquer un autre anniversaire. Celui-ci significativement plus réjouissant sans pour autant oublier « la révolution permanente » dont il est encore question : le cinquantenaire du suffrage féminin. Nous y consacrerons une rubrique échelonnée sur les quatre publications de l’année. La première honore les femmes artistes. 

La dessinatrice franco-suisse Olga Prader, s’est emparée de la thématique des milieux culturels face à l’urgence climatique en y amenant son trait au caractère critique, teinté d’humour et d’érotisme avec une utilisation exubérante du noir et blanc. Ici un être floral, un barde abeille et un escargot pressé aux affects débordants se baladent en liberté et interagissent avec les artistes pour souligner la dimension complexe de cet équilibre entre l’humain et la nature. Pour la première fois pour CULTURE ENJEU, et en collaboration avec le directeur artistique Emmanuel Crivelli, la couleur vient accentuer certains éléments de ses dessins. 

Premier de l’année, ce numéro de mars signe aussi le retour du printemps. Un printemps qui ne connaîtra sans doute pas son sacre cette année, tant les manifestations culturelles l’auront déserté lui préférant un été hygiéniquement plus sécurisant, mais qui n’en sera pas moins dépourvu de beautés et de promesses de vies. Du moins, c’est d’en garder l’espoir qui reste essentiel.